1919-1921 (French Edition) by LE NAOUR Jean-Yves

Auteur:LE NAOUR, Jean-Yves [LE NAOUR, Jean-Yves]
La langue: fra
Format: epub
Éditeur: Place des éditeurs
Publié: 2020-02-19T16:00:00+00:00

L’Ukraine abandonnée

L’histoire de la guerre civile ukrainienne, doublée d’un triple conflit national contre les Allemands, les Polonais et les Russes, est à peu près ignorée des Français. Le Quai d’Orsay ayant fait le choix de soutenir les Blancs, toute autre solution que la reconstitution de la grande Russie unie a été regardée avec mépris. Dès lors, le nationalisme ukrainien, livré à lui-même, abandonné par les Alliés, à la différence des Baltes soutenus d’abord par les Britanniques, était condamné. Il pouvait enregistrer des victoires, elles seraient fatalement sans lendemain, en attendant d’être terrassé un jour par les Russes, qu’ils soient Blancs ou Rouges. Pourtant, en 1919, l’histoire n’était pas écrite.

L’Ukraine ? Mais laquelle ? Avec une partie occidentale qui regarde vers l’Europe et une partie orientale qui épouse les desseins de la Russie, ce pays est schizophrène. Cette vérité d’aujourd’hui l’est tout autant en 1917 où une république nationale est proclamée à Kiev tandis qu’une république soviétique s’installe à Kharkov, plus à l’est. Les Français n’ont rien compris ou rien voulu comprendre. Eux qui ont mis un peu de temps à soutenir les Baltes, pour ne pas hypothéquer l’avenir d’une Russie réunifiée sous l’autorité d’un général contre-révolutionnaire, n’ont jamais accordé le moindre intérêt aux défenseurs de l’indépendance ukrainienne. Pire encore, ces derniers étaient suspects d’être pro-allemands parce qu’ils ont joué la carte de Berlin pour tenir Moscou à distance. Au départ, cependant, lorsque la république est proclamée à Kiev, en novembre 1917, au lendemain de la révolution bolchevique, la France n’est a priori pas hostile. Elle envoie d’ailleurs un représentant à Kiev, sous l’autorité du général Berthelot qui dirige la mission militaire française en Roumanie. Pour Paris, un État indépendant ukrainien est envisageable à condition qu’il continue la guerre, assume les dettes contractées auprès de la France et tienne tête à la révolution. Mais, en dépit des appels à la reconnaissance lancés depuis Kiev, le gouvernement français reste dans l’expectative. Sans doute ne croit-il pas à la pérennité du régime léniniste et il ne veut pas se créer des difficultés avec les futurs dirigeants de la Russie une fois les bolcheviks éliminés.

Ce sont ces atermoiements qui poussent Kiev dans les bras de l’Allemagne. Car les bolcheviks, qui ne reconnaissent pas l’indépendance de l’Ukraine, entreprennent de la reconquérir dès la fin décembre 1917. Sur qui les nationalistes peuvent-ils compter pour résister à la pression militaire ? De plus, à partir du moment où les bolcheviks négocient la paix avec l’Allemagne, Kiev n’a pas d’autres choix que d’entamer également des pourparlers, sans quoi il peut à bon droit redouter de faire les frais d’une entente germano-russe à son encontre. La France ne pardonnera pas aux nationalistes ukrainiens d’avoir signé la paix à Brest-Litovsk, le 9 février 1918, trois semaines avant les Russes, mais ils n’avaient pas vraiment le choix. À l’Est, les bolcheviks sont passés à l’attaque et, ce même 9 février, ils s’emparent de la capitale ukrainienne après un combat acharné. En se liant aux Allemands, les nationalistes croient sauver l’essentiel, forcer

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